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honneur_cameroun

16 juin 2008

la ruine du cameroun

Tripatouillages des constitutions

Vers une nouvelle ère de dictatures en Afrique?



Le président Paul Biya entend donc probablement rester au pouvoir jusqu’à sa mort! En tout cas, depuis le 10 avril 2008, notre pays est entré dans un fort lugubre répertoire continental, celui des "Etats-tailleurs-constitutionnels". Pourtant, la défunte loi fondamentale n’a même pas été appliquée en entier, le Sénat et la Cours des comptes restant toujours inexistantes… Une "Nègrerie politique" de plus, pour un pays déjà tristement réputé sur le plan international. Pauvre Afrique, ridicule Cameroun! Après la période de despotisme post-indépendante (1960-1990), la petite lumière démocratique après le sommet de La Baule (1990-2000), tout porte à croire aujourd’hui que nous sommes en train de sombrer dans un autre cycle obscur : la tyrannie multipartiste. Le continent qui enfanta l’Homme, serait-il condamné à jamais dans le sous-développement des présidents à vie?

Cinquante ans d’indépendance, un siècle de recul
Voici une dizaine d’années que l’on assiste ici et là, à ces réformes constitutionnelles d’un genre "tropicalisé", en Afrique noire, comme en Afrique Blanche: Burkina Faso, 2000; Tunisie et Guinée Conakry, 2002; Togo et Gabon, 2003; Tchad et Ouganda, 2005. Le Cameroun est le dernier en date, l’Algérie pourrait être le prochain… Les dirigeants de ces Etats sont au pouvoir depuis une vingtaine d’années, très souvent par un coup d’Etat (B. Compaoré, L. Conté, I. Deby, Y. Muséveni), ou une succession non démocratique (O. Bongo, Ben Ali, P. Biya, F. Gnassingbé). Singularités pour le Cameroun, dans ce catalogue: Paul Biya en est le doyen d’âge; mais, surtout, c’est le seul pays où cette falsification constitutionnelle s’accompagne d’une violente répression (fermeture de radios privées, interdictions de manifester, intimidations de journalistes, etc.), d’arrestations arbitraires (Joe La conscience, Lapiro de Mbanga, etc.), et d’innombrables tueries. D’une dictature unipartiste au lendemain de l’indépendance, à une autocratie pluripartiste, voilà le grand bond à reculons que nous sommes en train de réaliser!
Comment comprendre qu’à l’heure où le reste du monde s’embarque dans la caravane du progrès, conquiert l’espace après le temps, nos dirigeants en soient encore à rêver d’éternité et de démiurgie à la tête de micro-Etats, dans un continent qui, sous leur règne, demeure le siège de toutes sortes de misères humaines? Cinq décennies après les indépendances, le simple paludisme, maladie qui a existé pourtant aussi sur tous les autres continents, n’a pas pu être éradiqué; les paysans continuent à cultiver avec la daba, alors qu’ailleurs l’on est passé depuis le siècle dernier aux tracteurs; les populations n’ont pas pu connaître le bien-être, alors que plus de la moitié du reste de l’humanité (naguère considéré aussi comme pauvre) accède progressivement au statut de classe moyenne. Non! Le problème ici n’est pas seulement la démocratie ou l’alternance : l’exemple de la chine, aujourd’hui troisième rang mondial économique, mais qui avait quasiment le même niveau de développement que bon nombre de pays africains en 1960, montre bien que dictature peut aussi rimer avec développement…

Paul Biya doit prendre sa retraite
Contrairement à ce qu’on pense souvent, même dans l’Afrique ancestrale (pré islamique et pré-européenne) le chef savait prendre repos. Il arrivait même qu’il ait le devoir constitutionnel de s’empoisonner quand il avait failli…
Le successeur constitutionnel d’Ahidjo devrait quitter le pouvoir en 2011, pour au moins trois raisons.
(a) Paul Biya a pris de l’âge. Son pouvoir aussi. Aucun Homme sur terre, fut-il un génie, ne peut normalement gouverner un pays pendant un quart de siècle. Le président Biya a atteint le maximum de son rendement. Il a donné tout ce qu’il pouvait offrir. Il n’a plus rien à cracher. Si, en trois décennies, il n’a pas pu apporter le bien être à son peuple, alors qu’il était plus jeune et plus "frais", ce n’est pas en sept ans de plus qu’il le ferra, maintenant qu’il est fatigué. A-t-on déjà vu Homme, soudain, plus "ambitieux" à son vieil âge qu’à sa jeunesse? Ceux qui avancent bonassement qu’il est seul apte à "tenir" le pays d’Ossendé Afana, Achille Mbembè, Jacques Bonjawo ou Mongo Beti, insultent gravement l’intelligence des 20 millions de Camerounais (notre président ignore même le nombre de têtes qu’il dirige, malgré un recensement en…2005!). Mais c’est aussi un des dangers de la longévité au pouvoir en Afrique: le peuple finit par le confondre naïvement à celui qui le tient.
(b) Paul Biya a un bilan négatif. "Renouveau-galère-misère"? Depuis l’indépendance en tout cas, jamais Camerounais n’a été aussi misérable que durant les années Biya. En vingt cinq ans, notre pays est passé de Pays moyennement avancé (PMA) dans les années 1980, à Pays Pauvre Très Endetté (PPTE) en 2006. Tous domaines considérés, le pays affiche fiasco : importateurs de denrées alimentaires à hauteur de 15% seulement au début des années 1980, aujourd’hui de plus de 45%; salaires des fonctionnaires, triplement charcutés; carburant, aussi cher que dans les pays qui n’en produisent pas; physionomie de Douala et Yaoundé, quasiment inchangée, Capitales-bidonvilles-miséreux-poussiéreux-boueux; Camair, krach; électricité, clignotante, demeure un luxe. Même l’orchestre national s’est tu. Presque toutes les structures de recherches sont mortes. En 1982, l’étudiant camerounais, boursier, trouvait un emploi après ses études; depuis 1992, il se prostitue, mendie ou se "débrouille" pour survivre et, au bout du rouleau, devient taximan, fripier, ou retourne cultiver la terre. Aucun stade n’a été bâti. Des ambassadeurs ont été abandonnés à l’étranger, parfois pendant plus de vingt ans; certaines de nos missions étrangères restent mêmes, longtemps, honteusement, gouvernées par des fantômes... "Renouveau" semble être synonyme d’improvisations, et de… tripatouillages de toutes sortes. Le pays étouffe et implose. Tout le monde rêve d’en partir.
(c) Paul Biya est politiquement obsolète.
Normal. Moulé dans le système despotique des années 1960, notre président est en déphasage avec le temps, ce temps qui n’est plus son temps politique. Les réflexes pavloviens dictatoriaux lui seront à jamais inséparables. Illustration: lendemains des émeutes de la faim en Afrique. Au Sénégal, le président Wade, visionnaire, s’adressant à son peuple: " […] Il nous faut augmenter notre production de riz. Dans six ans, nous devons pouvoir produire localement les 600.000 tonnes que nous achetons à l’extérieur […]". Paul Biya, menaçant: "[…] Tous les moyens légaux dont dispose le Gouvernement seront mis en œuvre pour que force reste à la loi!" Et l’on vit ces tanks et ces chars se dresser contre des faméliques…! Bien que de la même génération d’hommes, ils ne sont pas de la même fleur politique. Ecaillé par le temps, claquemuré dans son palais de marbre qu’il ne quitte (toujours à vive allure) que pour son Mvomeka’a natal ou ses multiples "courts-longs séjours" européens, Paul Biya est totalement coupé de la réalité du pays. Gagné par l’autisme et l’aveuglement autocratique, entouré que de courtisans ("pauvres gens enrichis par la mendicité", confer le chanteur A. Chamfort), notre président reste convaincu que celui-ci sombrerait dans le chaos sans lui. Il réduit le peuple aux militants de son parti, les motions de soutien de ses flatteurs à sa popularité, les manifestations contre la faim à des manipulations "d’apprentis sorciers" qui lorgnent son palais.

Ensemble, pensons à demain!
L’Afrique a besoin d’Homme neufs, visionnaires, capables de conduire sa renaissance politique, culturelle, économique, sociale et scientifique; et à même de débarrasser le continent du cancer du néo-colonialisme. Mais en particulier le Cameroun, comme toute l’Afrique centrale, a besoin d’une nouvelle herbe politique. Au plus tôt. Quand un jour nouveau se lèvera sur notre pays, au lendemain de la longue nuit du "Renouveau", le bilan risque d’être similaire à celui de 25 ans de guerre. Le mal est très profond. Un "Epervier", plutôt "bouc-émissaire " (dont le seul mérite est de mettre, enfin, à jour les mécanismes de fonctionnement du système Biya depuis 1/4 de siècle, et qui ont conduit le pays à la banqueroute) ne pourra nettoyer la basse cour du "Renouveau". Cet oiseau, comme le décrivait le poète français Charles Baudelaire, ses seules ailes de géants l’empêchent déjà de voler. Comment pourrait-il emporter la volumineuse "ferme du Renouveau"?
Qui, dans ce régime, peut prétendre aujourd’hui ne s’être pas servi dans le denier public, en commençant par… l’ "Epervier" lui-même? Peut-on tenter un jour un audit de la gestion de la manne pétrolière (du pays 7e producteur africain), managée directement par la Présidence? Point de haine contre Biya et ses partisans ni d’opposition. Ces écrits sont des cris! Tous les-vingt-à-cinquante-ans (soit la majorité des Camerounais), quels que soient leurs bords politiques ou tribaux, se doivent de se révolter contre la dictature mystico-gérontocratique et néo-colonialiste en laquelle s’est transmué le "Renouveau". Dans une dizaine d’années, Paul Biya et ses ténors seront peut-être "garés". C’est une loi naturelle que nul ne peut tripatouiller. C’est donc à nous autres (et/ou à nos rejetons) qu’il reviendra de réparer les dégâts accumulés. Il en faudra tellement du temps, que nous risqueront d’y passer tout notre temps à nous… ! Que les thuriféraires et glossateurs de ce régime se souviennent tout de même que "[…] Le 6 novembre 82, comme l’écrivait J.M Watonsi, ex journaliste de la CRTV aujourd’hui aux USA, de passage dans son pays natal en janvier 2008, c'était un beau rêve […]" pour tous les Camerounais ! Comme lui, vingt cinq ans après, "on a la vague impression en regardant autour de soi, qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Cameroun […]". L’arrivée de Biya au pouvoir suscita tellement de l’espoir, que même les opposants les plus caciques, tel Mongo Beti, ne résistèrent pas à retourner au pays…
Quand on observe ces honteux tripatouillages constitutionnels, après les sinistres assassinats de nos héros nationalistes, les terribles dictatures des lendemains des indépendances, l’affreux pillage-braderie de nos richesses, etc., on a envie de se demander si réellement l’Afrique n’est pas maudite! Pourquoi devons-nous toujours recommencer les mêmes combats, même ceux que nous croyions déjà gagnés? On se remet involontairement à ruminer toute cette littérature pessimiste qui, depuis les années 1960, tente de diagnostiquer le mal de cette mystérieuse Afrique, qui s’enfonce chaque jour davantage dans la misère et menace de n’en plus sortir; cette Afrique mal partie (R. Dumont, 1962), malade d’elle-même (Tidiane Diakite, 1986), refuse le développement (A. Kabou, 1991), va mourir (Kä Mana, 1991), etc.
Vue pourtant globalement, la nuit africaine s’éclaire de quelques torches. A l’Ouest, des pays tels que le Benin, le Mali ou le Ghana, dessinent des lueurs d’espoirs. Au sud aussi, excepté le cas très isolé du Zimbabwe, tous les pays de cette partie du continent, sous l’impulsion de l’icône Mandela, réalisent, depuis une dizaine d’années, d’exemplaires transitions vers la liberté. Ces nations symbolisent "l’autre Afrique".
L’Afrique centrale, par contre, piétine. Elle continue à sombrer dans ses forêts noires infestées de ces "dinosaures autocrates", qui s’accrochent au pouvoir comme des lions à leurs carcasses. Sur les six chefs d’Etats de cette région, quatre prirent le pouvoir par les armes (Deby, Bozizé, Sassou et Obiang Nguéma). Les deux autres, Biya et Bongo, succédèrent aux "pères des indépendances". Leur moyenne d’âge est d’environ 67 ans. La durée moyenne de leur règne est de 23 ans, soient la plus élevée de toutes les régions du monde. C’est parmi eux que se trouve le plus ancien Président de la terre, Omar Bongo Ondimba, au pouvoir depuis… 41 ans! Situation de leurs populations: des plus misérables de la planète. Tous sont les piliers de la triste Françafrique, où ils se battent pour leur recolonisation. L’Afrique centrale est le symbole de cette Afrique négative, la flétrissure continentale politique même.
L’Histoire politique du Cameroun, elle, retiendra, pour toujours, que c’est un certain Grégoire Owona et une certaine Françoise Foning qui, les premiers, lancèrent en l’an 2004, l’idée d’une momification au pouvoir du deuxième président du Cameroun; que cette idée fut "motionnée" pour la première fois par les militants du Rdpc de la Lekié, un certain 8 novembre 2007, puis soutenue par des zélés de tous poils; pour être validée par les députés –connus- du RDPC (sauf un seul, Ayah Paul Abine), un 10 avril 2008… Demain, bientôt, j’en suis sûr, le coq marquant la fin du "Renouveau" n’aura pas barytonné trois petites fois…
Oui !… Des lampes surgissent du noir continental, dis-je. Soupçonné de quitter volontairement la tête de l’Union Africaine pour vouloir se re-présenter à la présidence malienne en 2012, Alpha Omar Konaré (qui laissa déjà le pouvoir dans son pays au bout des deux mandats que lui imposaient la Constitution), répondait sagement il y a peu: "On ne peut pas faire son temps et celui de ses petits enfants". L’homme n’a pourtant que soixante deux ans. De treize moissons le cadet de Biya... Allégorie forte: l’Afrique n’est pas maudite, n’est pas condamnée, n’est pas… le Cameroun.


*Doctorant en Archéologie africaine,
Belgique. E-mail: veldagouem@yahoo.fr


Par Par Bienvenu Gouem Gouem*

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